Rad Power Bikes, autrefois leader incontesté du marché nord-américain du vélo électrique, traverse actuellement une période critique qui menace son existence même. Fondée en 2007 par Mike Radenbaugh, cette entreprise de Seattle a révolutionné l’industrie du deux-roues en démocratisant le vélo électrique auprès du grand public. Mais aujourd’hui, entre des défis financiers majeurs et des problèmes de sécurité qui s’accumulent, la marque fait face à un avenir incertain.
L’histoire d’une success story devenue fragile
Avant de devenir entrepreneur, Mike Radenbaugh n’était qu’un adolescent bricoleur. Pour réduire ses trajets scolaires de 15 kilomètres dans les collines rurales de la Californie du Humboldt, il électrifie son vélo avec des pièces électroniques de fortune: c’est la naissance de « The Frankenbike ». En 2007, le projet prend un nom officiel : Rad Power Bikes.
Pendant des années, Radenbaugh travaille comme une entreprise unipersonnelle avant un tournant décisif en 2015.C’est l’arrivée de Ty Collins qui transforme Rad Power Bikes en entreprise de vente directe au consommateur (DTC) avec le lancement du RadRover, un vélo électrique fat bike doté d’un système de freinage révolutionnaire et d’une autonomie impressionnante. Le succès est au rendez-vous.
L’entreprise connaît une expansion spectaculaire, particulièrement pendant la pandémie de COVID-19. En 2020, Rad Power lève 25 millions de dollars, et l’année suivante, elle atteint une valorisation de 1,65 milliard de dollars. La marque devient le leader du marché nord-américain avec plus de 350 000 vélos vendus et reçoit même une reconnaissance mondiale en intégrant la liste TIME100 des entreprises les plus influentes en 2021.
La chute : de la gloire à la crise financière
Cependant, cette ascension prometteuse s’arrête net en 2022. Les défis financiers commencent à émerger lorsque la demande de vélos électriques chute drastiquement après le boom pandémique. Le marché, saturé par une surabondance d’offres et affecté par les droits de douane, voit ses conditions se détériorer.
Rad Power Bikes subit une série de revers : plusieurs vagues de licenciements s’échelonnent entre 2022 et 2024, l’entreprise se retire des marchés européens en 2023 pour concentrer ses efforts en Amérique du Nord, et elle traverse des changements de direction constants. Trois PDG se succèdent en trois ans : Mike Radenbaugh cède sa place à Phil Molyneux en 2022, qui lui-même est remplacé par Kathi Lentzsch en mars 2025.
En novembre 2025, la situation devient critique. L’entreprise notifie ses employés qu’elle « peut être contrainte de cesser ses opérations » faute de financement supplémentaire ou de partenaires. Selon un communiqué adressé à son personnel, la direction a investigué divers scénarios, notamment des acquisitions potentielles ou des apports de capital, mais « une opportunité qui semblait très prometteuse et était attendue pour se finaliser n’a finalement pas abouti ».
La date limite était fixée à janvier 2026, avec une possible fermeture dès le 9 janvier. Cette situation ne concerne pas uniquement Rad Power : d’autres marques prestigieuses du secteur comme Cake, VanMoof, Electric Bike Company et Integral Electrics ont également connu des restructurations ou des faillites en 2025.
Les problèmes de sécurité : les batteries défectueuses
Au-delà des enjeux financiers, Rad Power Bikes doit affronter une crise majeure de sécurité liée à ses batteries lithium-ion.La Commission américaine de sécurité des produits de consommation (CPSC) a émis un avertissement concernant les batteries de plusieurs modèles de Rad Power Bikes, affirmant qu’elles « posent un risque de blessures graves et de décès ».
Les modèles concernés incluent le RadWagon 4, le RadCity HS 4, le RadRover High Step 5, le RadRunner 2 et plusieurs autres. Selon la CPSC, les batteries peuvent « s’enflammer et exploser de manière inattendue » particulièrement lorsqu’elles ont été exposées à l’eau ou aux débris. L’agence de sécurité recense au minimum 31 incidents liés aux incendies, dont 12 ont causé des dégâts matériels estimés à environ 734 500 dollars.
L’une des particularités alarmantes de ce problème est que certains incendies se sont produits alors que la batterie n’était pas en charge, que le produit n’était pas utilisé et qu’il était stocké. Cela suggère un défaut intrinsèque du produit lui-même et non simplement une mauvaise utilisation par les consommateurs.
La position de Rad Power Bikes face aux accusations
Face à ces accusations graves, Rad Power Bikes rejette les conclusions de la CPSC. L’entreprise affirme que des laboratoires tiers indépendants « réputés » ont testé ses batteries et confirmé qu’elles respectaient « les normes les plus élevées de l’industrie ». L’entreprise prétend également que la CPSC ne conteste pas les conclusions de ces tests et que « la batterie elle-même n’a pas été examinée indépendamment selon les normes acceptées par l’industrie ».
Concernant le taux d’incidents, Rad Power Bikes souligne que « le taux d’incidents associé aux batteries mentionnées dans l’avis de la CPSC est inférieur à un fraction de un pour cent ». L’entreprise reconnaît néanmoins que « même un incident, c’est un de trop » et exprime son chagrin face à ces rapports.
La marque rappelle également que toutes les batteries lithium-ion – qu’elles soient utilisées dans les vélos électriques, les trottinettes électriques, les ordinateurs portables ou les outils électriques – peuvent présenter un risque d’incendie si elles sont endommagées, mal chargées, exposées à une humidité excessive, soumises à des températures extrêmes ou modifiées de manière inappropriée.
Un problème aggravé : l’impossibilité de remboursement
Le problème de sécurité devient encore plus critique du fait de la situation financière de l’entreprise. Rad Power Bikes a refusé d’accepter un rappel obligatoire et est incapable d’offrir des batteries de remplacement ou des remboursements en raison de sa situation financière précaire.
Cette situation place les consommateurs dans une position extrêmement difficile : ils possèdent des vélos potentiellement dangereux sans accès à des solutions officielles pour corriger le problème. La CPSC recommande aux propriétaires de batteries défectueuses (modèles HL-RP-S1304 ou RP-1304) de les retirer immédiatement et de les éliminer selon les procédures locales d’élimination des déchets dangereux.
Les causes sous-jacentes de l’effondrement
Les difficultés financières majeures de Rad Power Bikes résultent d’une combinaison de facteurs : la chute de la demande de vélos électriques après le boom pandémique, l’impact des droits de douane, une saturation du marché et probablement des projections de croissance trop optimistes. L’industrie du vélo tout entière connaît des turbulences similaires, affectant même des marques prestigieuses comme Rocky Mountain, YT Industries et d’autres constructeurs mondialement reconnus.
La stratégie de transition d’un modèle de vente directe au consommateur vers un modèle basé sur le retail a également exigé des réorganisations importantes et des réductions d’effectifs répétées. Ces changements radicaux, combinés à l’instabilité de la direction générale, ont fragilisé l’organisation.
Perspectives et leçons pour l’industrie
Alors que Rad Power Bikes lutte pour sa survie, l’entreprise continue à chercher des acquéreurs potentiels et des investisseurs pour lui permettre de poursuivre ses opérations. Le motif du personnel reste « Sauver Rad ». Cependant, les perspectives restent incertaines et les défis semblent monumentaux.
Cette situation soulève des questions importantes sur la viabilité des modèles commerciaux directs au consommateur dans l’industrie du vélo électrique, sur la dépendance excessive aux cycles économiques et sur l’importance critique des normes de sécurité et de la responsabilité envers les consommateurs.
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